Carte d’identité
Petits noms : Son nom latin est Viscum album. En France, on le nomme communément Gui ou Gui des feuillus ou plus rarement Blondeau, Bois de Sainte-Croix, Bouchon, Gillon, Glu, Verquet ou Verguet, Vert du pommier.
Famille : Viscacées
Etymologie : Viscum signifie « colle, glu » en référence à la texture visqueuses de ses fruits. Album, du latin alba « blanc », fait référence à la couleur blanchâtre de ses fruits.
Type de plante : On dit qu’il s’agit d’une plante épiphyte, c’est-à-dire qu’elle se sert d’une autre plante comme support, comme certaines orchidées des régions tropicales.
Le gui est un parasite qui absorbe la sève de son hôte à travers un suçoir. Contrairement à d’autres plantes parasites, le gui est considéré comme une plante hémiparasite, hémi pour « à moitié » parasite, car elle ne se sert qu’en eau et en sels minéraux. Il est en effet capable de gérer lui-même sa photosynthèse.
En principe, le gui ne décompose pas le bois, mais en s’installant sur une branche, il diminue considérablement la qualité du bois. Lorsqu’il est installé sur les fruitiers, il diminue les rendements en fruits. Autrefois, la lutte contre le gui était obligatoire dans toute la France. Aujourd’hui, certains départements ont rédigé des arrêtés spécifiques sur sa destruction sur les arbres fruitiers et les peupliers.

Description : C’est l’une des plantes les plus faciles à reconnaître. Il suffit de lever le nez vers la cime des arbres et de chercher des grosses boules vertes ou jaunâtres. On l’observe beaucoup plus facilement en hiver sur les arbres caducs (qui perdent les feuilles en hiver), puisque le gui a un feuillage persistant (qui garde ses feuilles en hiver).
Le genre viscum compte environ 70 espèces à feuilles persistantes. Toutefois, il n’en existe que 2 en Europe : le Gui à baies rouges (Viscum cruciatum), non présent en France, et le Gui à baies blanches (Viscum album). Nous parlerons dans cet article uniquement de celui que vous serez susceptible de rencontrer sur les sentiers de France métropolitaine.
Vous rencontrerez 3 sous-espèces :
- Viscum album L. subsp. album, qui parasite une quarantaine de feuillus, comme l’aubépine, le robinier faux-acacia, le poirier, le cerisier, le tilleul …, mais il a une petite préférence pour le peuplier et le pommier.
- Viscum album L. subsp. abietis, qui s’installe sur le sapin pectiné et d’autres espèces de sapins introduits.
- Viscum album L. subsp. austriacum qui emménage sur les pins et mélèzes de montagne.
Petit + Les graines de gui récoltées sur les feuillus ne germeront pas si elles sont déposées sur un conifère, et inversement.
Type de sol et exposition : Vous l’aurez compris, la graine de gui a besoin d’une branche vivante pour s’épanouir. La pluie, le vent et la gravité auraient vite fait de la faire tomber au sol, ne lui laissant aucune chance de survivre. Quelle est sa technique pour rester percher ?
Il lui faut 3 éléments !
- Tout d’abord, un oiseau gourmand qui avalera goulûment les baies sans casser les graines.
- Une branche qui réceptionnera une magnifique fiente, comme illustrée ci-dessous.
- Une stratégie d’adaptation de plusieurs millénaires, qui a fait en sorte que ses baies contiennent une substance visqueuse et gluante (viscine) qui se collera à la branche.

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Au moment de la germination, une petite ventouse adhésive s’accrochera à l’écorce. Durant un an, le gui ne grandira presque pas, seule une paire de feuilles sera visible. Toutefois, la ventouse prendra soin de s’imiter dans la branche à la recherche de canaux de sève capable de subvenir à ses besoins. Puis, il prendra de plus en plus d’ampleur pour créer une boule ramifiée de 50 cm à 1 m de diamètre. Pour information, plus la boule est grosse, plus le gui est âgé. Certaines boules ont d’ailleurs plus de 35 ans.
Confusions possibles : Le gui est une plante assez facile à reconnaître. Vous l’avez certainement vu dans les maisons, sur des cartes durant les festivités de fin d’année. Toutefois, certaines personnes pourraient s’interroger en regardant un arbrisseau « terrien » visible dans nos jardins, la Symphorine (Symphoricarpos sp) ou arbre aux perles qui porte également des baies blanches. Ses baies sont très blanches, presque opaques à la différence des baies du gui qui sont visqueuses et légèrement transparentes.

Le Gui et l’Homme
Récolte
Parties utilisées :
- les feuilles fraiches ou séchées : phytothérapie, décoration, sortilège.
- les tiges fraiches ou séchées : phytothérapie, décoration, colle.
- les fruits : colle, décoration, sortilège.
Période de cueillette :
- Feuilles et tiges : octobre à mi-décembre et de mars à avril.
- Baies toxiques : octobre à novembre.
Conservation : Couper les feuilles et les tiges en petits morceaux et les faire sécher rapidement à température ambiante dans un endroit sec, à l’abri de la lumière et de la poussière, jusqu’à complète déshydratation. Toutefois, si vous n’avez pas envie de grimper aux arbres, les pharmacies et herboristes proposent des extraits de gui et des sachets de plantes séchées à conserver dans un récipient opaque, au sec.

Toxiques: Poisons et Contre-indications
Je trouve beaucoup d’informations contradictoires concernant le gui. Néanmoins, tous s’accordent à dire qu’il a mauvaise réputation. En effet, les feuilles, les tiges et les baies contiennent de la viscotoxine, protéines toxiques qui, après ingestion de 5 baies provoquent les symptômes suivants : vomissements, diarrhée, faiblesse, soif et agitation.
L’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail informe que chaque année, les centres anti–poisons réceptionnent des appels concernant l’ingestion de feuilles ou baies de gui. Je vous joins le lien vers cet article : plantes décoratives – leur ingestion peut être toxique pour les Hommes comme pour les animaux |
Comme elle l’indique, à forte dose (10 baies), l’ingestion de gui peut provoquer de graves troubles neurologiques et cardiaques. D’autres sources corroborent ces faits et expliquent qu’en fonction de la dose ingérée, sa consommation peut provoquer une dépression neuromusculaire intense, une paraplégie, une paralysie, des troubles cardiovasculaires, la congestion des organes abdominaux, voire la mort par asphyxie. Le gui est par conséquent contre-indiqué pour les femmes enceintes et allaitantes.
Pour autant, beaucoup de sites d’herboristerie le proposent à l’achat. Je vous encourage vivement à être prudent quant à son utilisation, à respecter les doses prescrites et à indiquer aux professionnels de santé qui vous entourent son utilisation pour éviter toutes interactions médicamenteuses néfastes.
Quoiqu’il en soit, femmes enceintes et allaitantes, cette plante n’est pas indiquée pour vous.
Petit + Lors de la manipulation du gui, utilisez des gants pour vous protéger les mains.
Alimentation humaine
Aucun usage alimentaire n’est connu. Ceci s’explique par la toxicité de la plante et sa saveur amère, toute particulière.

Phytothérapie
Parties utilisées : Feuilles et branches
Usage interne et externe : alcoolature, baume, cataplasme, décoction, gemmothérapie, teinture, vin
Contient saponines, alcaloïdes (viscotoxine), choline, acide phosphorique, potassium, magnésium et vitamine C.
Un peu d’histoire : Au IXème siècle avant J-C, Théophraste vantait déjà ses vertus extraordinaires. En effet, il était utilisé contre l’épilepsie, et ce, jusqu’au XIXème siècle. Aujourd’hui, le gui est utilisé essentiellement pour :
- réguler la circulation sanguine par son action hypotensive et hémostatique (stoppe les saignements),
- soulager les rhumatismes et la goutte grâce à son action diurétique et antirhumatismale,
- fortifier le métabolisme par son action immunostimulante,
- apaiser le système nerveux,
- ralentir le développement des tumeurs. En Suisse et en Allemagne, l’extrait de gui est utilisé pour aider les patients atteints de tumeur: la viscum-thérapie. Je vous joins un article de science et avenir : Weleda, un médicament anti cancer vendu sans autorisation – Sciences et Avenir et vous laisse le soin de vous faire votre propre opinion.
Une fois n’est pas coutume ! Au vu des contre-indications et de la toxicité de cette plante, je fais le choix de ne transmettre, dans cet article, aucune recette en usage interne. Toutefois, voici deux recettes par voie externe :
Soulager les engelures : Décoction réalisée à partir de 100 g de plante fraîche pour 1 litre d’eau. Mettre à bouillir pendant 1 heure à petit feu, puis filtrer. Plonger les extrémités atteintes dans ce liquide chaud chaque jour pendant 10 minutes.
Douleurs rhumatismales, goutte, sciatique, névrite : Appliquer un cataplasme de feuilles fraiches et fruits pilés.
J’insiste sur le fait que l’ensemble des informations indiquées ci-dessus est issu de recherche bibliographiques et/ou de pratiques personnelles. Elles ne peuvent aucunement remplacer un avis médical par un professionnel de la santé avant leurs utilisations.
Alimentation et soins des animaux
Il semblerait selon les centres antipoisons que le gui serait toxique pour les animaux, sauf les oiseaux.
Les signes apparaissent dans les heures suivant l’ingestion des baies. L’intensité des symptômes dépendra de la quantité ingérée. L’animal présente régulièrement une importante salivation, des vomissements, ainsi qu’une diarrhée parfois hémorragique. De ce fait, il peut boire beaucoup plus souvent. Il semble fatigué ou faible. On peut observer une dilatation des pupilles, une démarche anormale avec des mouvements non coordonnés et des troubles de l’équilibre, une paralysie, puis un coma pour les cas les plus graves, engendrant la mort.

Animaux compagnons
Le gui est considéré comme une plante nuisible. Mais tout dépend pour qui ? Il est un formidable garde-manger pour la Grive draine (Turdus viscivorus), la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), les pigeons ramiers (Columba palumbus) ou les mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) et charbonnières (Parus major).
Il existe une espèce de coléoptère herbivore qui vit exclusivement dans le bois du gui : l’Agrile du gui (Agrilus viscivorus). Cette espèce menacée par la coupe des vieux vergers est signalée en France depuis 2005.

Dante Gabriel Rossetti, peintre, poète, traducteur et écrivain anglais du XIXe siècle
Ornementales
Je me souviens de ce rameau que Mamie suspendait sous la poutre du salon avec un ruban rouge. Quelle charmante coutume du 31 décembre qui pousse les célibataires, superstitieux ou amoureux de tradition à s’embrasser sous le gui pour attirer l’amour et la bonne santé !
Personnellement, cela ne me dérange pas de décorer ma maison avec ses branches toute l’année. Après les grands coups de vent, je ne me gêne pas pour en ramasser sous les peupleraies.

Artisanat
Auparavant, les chasseurs fabriquaient de la glu pour chasser les oiseaux. La chasse à la glu consiste à enduire de colle des baguettes ou des tiges. Ces gluaux sont installés dans les branchages des arbres ou perchoirs. C’est ainsi que les chasseurs attrapent des merles noirs et des grives : ils les décollent, les mettent en cage et se servent de leur chant pour attirer d’autres oiseaux (qui, eux, seront tirés). Cette technique est interdite depuis la directive européenne dite « Oiseaux » du 30 novembre 2009 1 qui interdit le recours à des méthodes de capture massive ou non sélective.
À ma connaissance, le texte le plus ancien expliquant la fabrication de la glu a été écrit par Pline l’Ancien, quelques années après JC. J’ai également trouvé dans le journal du Guérandais un article qui explique comment la fabriquer. Je cite :
« Aujourd’hui l’importance du gui a bien diminuée ; cette plante n’est plus que nuisible, on fait fi de son utilité passée. Toutefois, on se sert encore des baies pour préparer la glu : on les fait bouillir dans l’eau, on les pile ensuite et on fait couler la liqueur chaude pour en séparer les semences et la peau ; mais on emploie de préférence l’écorce de la plante. Après avoir enfermée cette écorce pendant huit ou dix jours dans un lieu humide et l’avoir laissé pourrir, on la pile jusqu’à consistance de bouilllie. On la met dans un vase où l’on jette de temps à autre de l’eau de fontaine bien fraiche, et on remue avec un bâton jusqu’à ce que la glue s’attache aux parois du vase ; on la lave ensuite dans l’eau à plusieurs reprises pour la nettoyer et on en forme une espèce de boule, qu’on conserve, pour l’usage, dans un pot avec de l’eau. »
Journal du Guérandais – 20/03/1898 – G.D.
Voici un autre extrait des notes issues de la traduction et interprétation du livre Histoire Naturelle XVI de Pline l’Ancien par Ajasson de Grandsagne, J. B. François-Étienne en 1829 à 1833.

Le Gui était le nom donné autrefois en Picardie, à la levure de la bière, qui avait débordé de la cuve à la brasserie. Il était récupéré et vendu pour ses vertus médicinales. Il s’agissait donc d’un liquide gluant moussant. Par analogie, GUILER signifiait, fermenter, couler en parlant d’une matière épaisse comme du suif ou de la mélasse.

Croyances et coutumes
Le gui fait partie de nos traditions depuis tant de siècles que nous avons entouré cette plante d’une multitude de légendes et superstitions.
Dans la mythologie nordique, une fois de plus, le dieu Loki, le dieu de la malice, de la discorde et des illusions, créa le malheur. Frigg fit jurer à toutes choses, plantes, pierres et êtres vivants de ne jamais faire de mal à son fils Baldr, dieu de la lumière, la beauté, la jeunesse et l’amour. Toutefois, Loki terriblement jaloux, apprit qu’elle n’avait pas fait jurer à une pousse de gui, car elle lui semblait inoffensive. Le dieu sournois fit jeter une branche de gui sur Baldr, qui mourut dramatiquement.
Les Grecs associaient le gui à Hermès, grand messager de l’Olympe. Le Romain Pline l’Ancien pensait qu’il fallait le récolter le 6ème jour du mois lunaire avec une serpe d’or pour l’utiliser lors des cérémonies de taurobole, sacrifice au cours duquel on tuait un taureau en lui transperçant le cœur avec un glaive.
Ce n’est pas sans rappeler que durant la période gauloise celtique, les druides coupaient le gui sacré du chêne, le 6ème jour de l’année avec une serpe d’or, puis immolaient deux taureaux blancs en offrande à Esus, Dieu bâtisseur, représenté en bûcheron. Le gui symbolisait la fécondité et la puissance au combat. Puisqu’il était vert toute l’année et pourtant installé sur un arbre semblant mort en hiver, il symbolisait également la vie perpétuelle.
À cette époque, le gui était utilisé en talisman. Il chassait les mauvais esprits, purifiait les âmes, guérissait les corps, neutralisait les poisons, assurait la fécondité des troupeaux, et surtout qui permettait de voir les fantômes et de les faire parler. Les Gaulois le nommaient « celui qui guérit tout ».
Le chêne était un arbre solaire symbolisant la force et la puissance. Le gui, quant à lui, était l’arbuste de la lune, ses baies ressemblent quelque peu à ce satellite qui éclaire nos nuits.
Malgré la destruction de la religion des druides, le respect pour cette plante a perduré. D’ailleurs, au Moyen-âge, la plante était considérée comme porte-bonheur attirant l’amour et la protection, notamment en magie blanche.
C’est de là que vient cette tradition de s’embrasser, à minuit le jour de l’an, sous ses branches afin de profiter d’une longue vie prospère. Les amoureux se souhaitent également, bonheur, chance et fertilité. En parlant de fertilité, le gui était un ingrédient pour la fabrication de sortilèges pour augmenter la fertilité des hommes et leur pouvoir sexuel. La chair de la baie blanche faisant penser symboliquement à la « semence masculine ».

Je vous souhaite à tous une excellente année 2023 et espère à bientôt.
Virginie Varlet
bien documenté et très instructif. Merci
Merci Manon Anita. Cela fait plaisir à lire. 😍